Catégorie : Pathologies & Prévention
Définition et caractéristiques de la Sleeve
La sleeve gastrectomie, ou gastrectomie longitudinale, est une intervention chirurgicale utilisée dans le traitement de l’obésité sévère, une problématique de santé publique majeure en raison de sa prévalence croissante et de ses nombreuses complications métaboliques et cardiovasculaires (HAS, 2019 ; Santé publique France, 2023). Cette chirurgie bariatrique est envisagée lorsque les approches conventionnelles, telles que les régimes alimentaires, l’activité physique ou les traitements médicamenteux, se révèlent insuffisants pour permettre une perte de poids durable.
La sleeve gastrectomie consiste à retirer une partie importante de l’estomac, généralement 70 à 80 %, de manière longitudinale, pour créer un tube gastrique étroit ou « manche » (sleeve) (Hôpitaux Universitaires de Genève, 2025). Cette réduction de volume limite la capacité de l’estomac, induisant une restriction alimentaire, car le patient ne peut ingérer qu’une quantité réduite de nourriture à chaque repas. De plus, l’ablation de la portion gastrique qui produit la ghréline, hormone responsable de la sensation de faim, entraîne une diminution de l’appétit (Fréquence Médicale, 2025).
Outre la restriction mécanique et la réduction de la faim, la sleeve influence également la régulation métabolique. La modification anatomique du tube digestif entraîne une altération de la vidange gastrique et de la sécrétion d’autres hormones digestives, telles que le GLP-1 et le peptide YY, qui contribuent à améliorer la régulation de la glycémie et du métabolisme lipidique (Fréquence Médicale, 2025). Cette combinaison de mécanismes explique l’efficacité de la sleeve dans la perte de poids durable et la réduction des risques liés à l’obésité, notamment le diabète de type 2, l’hypertension et les dyslipidémies (HAS, 2019).
Sur le plan épidémiologique, la chirurgie bariatrique, et en particulier la sleeve gastrectomie, connaît une forte progression en France. En 2014, environ 45 474 interventions bariatriques ont été réalisées, dont près de 55 % correspondaient à des sleeves, la plaçant comme technique majoritaire face au bypass gastrique (Santé publique France, 2022). La majorité des patients opérés étaient des femmes, avec un âge moyen d’environ 40 ans. La sleeve est généralement indiquée chez les patients présentant un indice de masse corporelle (IMC) supérieur à 40 kg/m², ou supérieur à 35 kg/m² en présence de comorbidités graves liées à l’obésité, après échec des méthodes conventionnelles de perte de poids (HAS, 2019).
Bien que la sleeve soit efficace et moins complexe techniquement que le bypass gastrique, elle nécessite un suivi médical, d’activité physique adaptée, diététique et psychologique strict. Ce suivi vise à prévenir les carences nutritionnelles, à accompagner le patient dans l’adaptation à ses nouvelles habitudes alimentaires, et à maintenir la perte de poids à long terme (HAS, 2019).
Malgré ses résultats initiaux encourageants, la sleeve gastrectomie présente également des limites notables concernant la durabilité de la perte de poids et les complications à long terme. Environ 20 à 30 % des patients présentent une perte de poids insuffisante, définie par une réduction inférieure à 50 % de l’excès pondéral initial (King et al., 2020 ; Guarderas et al., 2023).
De plus, jusqu’à 40 % des patients reprennent au moins 10 à 15 % de leur poids perdu dans les cinq années suivant l’intervention (Magro et al., 2008 ; Courcoulas et al., 2016). Cette reprise peut être liée à la dilatation progressive de l’estomac résiduel, à des habitudes alimentaires inadaptées ou à une adaptation métabolique défavorable.
Enfin, la sleeve expose à certaines complications spécifiques, notamment un reflux gastro-œsophagien de novo ou aggravé, pouvant concerner jusqu’à 30 % des opérés, ainsi qu’à un risque accru de carences nutritionnelles si le suivi n’est pas rigoureux (Genco et al., 2017).
Ces observations soulignent que, bien que la sleeve soit une technique restrictive efficace à court terme, son succès durable repose sur un accompagnement pluridisciplinaire continu, associant éducation nutritionnelle, activité physique régulière et suivi psychologique adapté.
Impacte de la Sleeve sur la santé
▬ Conséquences biologiques et physiopathologiques
La sleeve gastrectomie est une intervention chirurgicale bariatrique qui consiste à retirer une large partie de l’estomac pour réduire sa capacité et modifier le transit alimentaire (HAS, 2024). Cette réduction gastrique entraîne des changements importants dans la digestion et l’absorption des nutriments. Le passage accéléré des aliments dans l’intestin grêle modifie l’exposition des nutriments aux enzymes digestives, ce qui peut provoquer des carences en vitamines et minéraux si elles ne sont pas compensées (INSERM, 2023).
Au niveau cellulaire, ces carences peuvent altérer la production de globules rouges, la fonction musculaire et la densité osseuse. Le stress oxydatif peut également s’intensifier en cas de déficit prolongé en antioxydants, fragilisant les membranes cellulaires et favorisant une inflammation de bas grade (Revue Nature Reviews Endocrinology, 2021).
Le système digestif est directement impacté : les patients peuvent ressentir des douleurs abdominales, des reflux gastro-œsophagiens ou un syndrome de dumping léger, avec nausées, palpitations et vertiges après ingestion de sucres simples (Santé publique France, 2023). Ces effets reflètent l’adaptation du corps à une anatomie gastrique réduite.
▬ Conséquences hormonales et métaboliques
La sleeve gastrectomie modifie profondément l’équilibre hormonal. La réduction de l’estomac diminue la production de ghréline, hormone qui stimule l’appétit, contribuant à une sensation de satiété précoce et à la perte de poids (INSERM, 2023). Parallèlement, la sécrétion d’incrétines (GLP-1, GIP) est augmentée, ce qui améliore la régulation de la glycémie et peut favoriser la rémission du diabète de type 2 (Revue The Lancet Diabetes & Endocrinology, 2022).
Ces modifications hormonales influencent aussi le métabolisme lipidique et énergétique. La perte rapide de masse graisseuse modifie la production d’adipokines, telles que la leptine et l’adiponectine, impactant la régulation de l’appétit, l’inflammation et le métabolisme global (OMS, 2022). Chez certaines patientes, les variations hormonales peuvent affecter la fertilité ou la densité osseuse (HAS, 2024).
Les boucles de rétroaction hormonales se réorganisent : la perte de poids entraîne une baisse de l’insuline et du cortisol, ce qui améliore la sensibilité cellulaire au glucose mais nécessite un suivi pour éviter hypoglycémies ou carences prolongées (Santé publique France, 2023).
▬ Interactions systémiques
Les effets de la sleeve gastrectomie se répercutent sur plusieurs systèmes biologiques. La malabsorption partielle peut provoquer des carences en vitamines B12, D, fer et calcium, impactant la fonction immunitaire, la santé osseuse et le métabolisme énergétique (INSERM, 2023). La perte de masse graisseuse rapide réduit la pression artérielle et améliore le profil lipidique, mais la vigilance reste nécessaire pour prévenir des déséquilibres métaboliques (Santé publique France, 2023).
Les interactions entre perte de poids rapide, ajustements hormonaux et nutrition réduite peuvent créer un cercle vicieux : déficit calorique → fatigue et perte musculaire → diminution de l’activité physique → fragilisation métabolique (Revue Obesity Surgery, 2021). De plus, les modifications digestives influencent le microbiote intestinal, jouant un rôle clé dans l’inflammation, le métabolisme énergétique et la santé immunitaire (INSERM, 2023).
Ainsi, la sleeve gastrectomie agit à plusieurs niveaux : digestif, hormonal et systémique. Si elle permet une perte de poids significative et une amélioration des comorbidités métaboliques, un suivi médical rigoureux reste indispensable pour maintenir un équilibre nutritionnel et prévenir les complications à long terme.
Les inconvénients de la Sleeve sur la perte de poids
▬ Mécanismes principaux du blocage métabolique :
• Dépense énergétique réduite
→ La perte rapide de poids diminue la masse musculaire, ce qui réduit les calories brûlées au repos et ralentit le métabolisme (Revue Obesity Surgery, 2021).
• Déséquilibre hormonal
→ La production de ghréline diminue, réduisant l’appétit mais pouvant entraîner fatigue et fragilité si l’apport nutritionnel est insuffisant (INSERM, 2023).
→ La sécrétion accrue d’incrétines améliore la glycémie, mais peut provoquer des hypoglycémies si l’alimentation n’est pas bien répartie (Revue The Lancet Diabetes & Endocrinology, 2022).
→ La perte rapide de masse graisseuse modifie leptine et adiponectine, hormones régulant l’appétit et le métabolisme, impactant l’inflammation et la densité osseuse (OMS, 2022).
• Composition corporelle
→ Le déficit calorique et les carences peuvent accélérer la perte musculaire par rapport à la masse grasse, fragilisant le métabolisme et le système osseux (INSERM, 2023).
▬ Conséquences pratiques sur la perte de poids :
• Fatigue et faiblesse → difficulté à maintenir l’activité physique.
• Perte musculaire rapide → diminution de la force et du métabolisme.
• Risque de carences en protéines, vitamines et minéraux → troubles digestifs, fragilité immunitaire, douleurs osseuses.
• Hypoglycémies après ingestion de sucres simples → vertiges, palpitations, irritabilité (Santé publique France, 2023).
• Ajustement alimentaire strict → adaptation psychologique et sociale complexe.
▬ Schématisation simplifiée du cercle vicieux :
1↓: Réduction gastrique et modifications hormonales
2↓: Apports caloriques et nutritionnels diminués
3↓: Déficit énergétique et protéique
4↓: Fatigue et perte musculaire
5↓: Ralentissement du métabolisme
6↓: Maintien du cercle de fonte musculaire, difficulté à stabiliser ou maintenir la perte de poids
Les stratégies pour favoriser la perte de poids avec une Sleeve
Les stratégies présentées sont spécifiquement adaptées aux patients ayant subi une sleeve, afin de soutenir la perte de poids tout en préservant la masse musculaire, la densité osseuse et l’équilibre métabolique. Elles reposent sur des données scientifiques validées (INSERM, 2023 ; OMS, 2022 ; HAS, 2024 ; The Lancet Diabetes & Endocrinology, 2022).
▬ Recommandations alimentaires
• Fractionner les repas : 4 à 6 petits repas par jour pour limiter les hypoglycémies et optimiser l’absorption (INSERM, 2023).
• Privilégier les protéines : œufs, poisson, volailles, légumineuses pour préserver la masse musculaire et soutenir le métabolisme (OMS, 2022).
• Limiter les sucres simples : éviter boissons sucrées et confiseries pour prévenir les hypoglycémies post-prandiales (Revue The Lancet Diabetes & Endocrinology, 2022).
• Supplémentation ciblée : vitamines B12, D, calcium, fer et oligo-éléments pour compenser les risques de carences (HAS, 2024).
• Hydratation : 1,5–2 L/jour, en dehors des repas, pour améliorer la digestion et le métabolisme (INSERM, 2023).
▬ Adaptations pour l’activité physique
• Renforcement musculaire doux : 2 à 3 séances par semaine pour limiter la perte musculaire et maintenir la dépense énergétique (Revue Obesity Surgery, 2021).
• Cardio modéré : marche, vélo ou natation 20–30 min, 3–5 fois/semaine, en respectant les limites d’énergie et la fatigue (INSERM, 2023).
• Étirements et mobilité articulaire : améliorer la récupération et prévenir la raideur (HAS, 2024).
• Progression graduelle : augmenter l’intensité selon la tolérance pour éviter l’épuisement et les hypoglycémies (OMS, 2022).
• Accompagnement par un professionnel de l’activité physique adaptée APA (HAS)
▬ Hygiène de vie globale
• Sommeil suffisant : 7–8 h/nuit pour réguler le cortisol et soutenir le métabolisme (INSERM, 2023).
• Gestion du stress : techniques de respiration, méditation, relaxation pour limiter l’élévation du cortisol et prévenir la reprise de poids (Santé publique France, 2023).
• Suivi médical régulier : bilan nutritionnel, ajustement des suppléments et suivi de la composition corporelle (HAS, 2024).
• Écoute des signaux corporels : respecter la satiété et ne pas forcer l’alimentation lors de malaise digestif ou hypoglycémie (OMS, 2022).
Cette publication n’est pas exhaustive et chaque prise en charge doit être individualisée.
Veilliez à être accompagné dans votre perte de poids par le professionnel de santé adapté.
Références : (ouvrir les références)
Fréquence Médicale. (2025). Chirurgie bariatrique : résultats comparés à 10 ans de la Sleeve et du Bypass gastrique.
Haute Autorité de Santé (HAS). (2019). Traitement chirurgical de l’obésité sévère et massive par sleeve gastrectomie.
Santé publique France. (2022). Évolution du recours à la chirurgie bariatrique en France entre 2008 et 2014.
Hôpitaux Universitaires de Genève. (2025). Chirurgie de l’obésité : Technique de la sleeve gastrectomie.
Haute Autorité de Santé. (2024). Prise en charge chirurgicale de l’obésité : by-pass et sleeve gastrectomie.
Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale (INSERM). (2023). Physiopathologie et conséquences métaboliques de la chirurgie bariatrique.
Organisation mondiale de la Santé (OMS). (2022). Obesity and bariatric surgery: global guidelines.
Santé publique France. (2023). Suivi nutritionnel après chirurgie bariatrique.
Nature Reviews Endocrinology. (2021). “Oxidative stress and nutrient deficiencies after bariatric surgery.”
The Lancet Diabetes & Endocrinology. (2022). “Hormonal adaptations and glucose control post-sleeve gastrectomy.”
Obesity Surgery. (2021). “Systemic effects and complications of sleeve gastrectomy.
HAS. (2024). Chirurgie bariatrique : indications et suivi.
INSERM. (2023). Sleeve gastrectomie et adaptations métaboliques.
OMS. (2022). Bariatric surgery: physiological and metabolic impacts.
Revue The Lancet Diabetes & Endocrinology. (2022). Hormonal changes after sleeve gastrectomy.
Revue Obesity Surgery. (2021). Metabolic adaptations and muscle loss after bariatric surgery.
Santé publique France. (2023). Suivi nutritionnel post-bariatrique.
INSERM. (2023). Nutrition et métabolisme après chirurgie bariatrique.
Haute Autorité de Santé (HAS). (2024). Suivi et recommandations nutritionnelles post-sleeve.
Organisation mondiale de la santé (OMS). (2022). Global recommendations on diet and physical activity.
The Lancet Diabetes & Endocrinology. (2022). Metabolic adaptations after bariatric surgery.
Obesity Surgery. (2021). Muscle preservation and energy expenditure post-sleeve.
Santé publique France. (2023). Prévention des complications nutritionnelles après chirurgie bariatrique.
